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Thursday 27 May 2010

Dusty and Sweets McGee, Floyd Mutrux (1971)


1971, Los Angeles, le summer of love s'est achevé depuis quelques années et même le soleil semble avoir la gueule de bois. Dans un petit matin brumeux, il se lève péniblement sur Sunset Boulevard après avoir lâché ses habitants dans la nuit pour quelques heures d'abandon et d'ennui. Parmi eux Clinton, un ancien taulard à moustache héroïnomane, Kit un prostitué mâle bardé de cuir qui philosophe («there is mainly talking about young men’s cock in America. I’ve got one and it’s not particulary unusual, and i did certain things with it, and certain people did certain things with it. Sometimes we do it in the road, sometimes we do it in your son’s bedroom, and sometimes in your daughter’s bedroom »), Billy un dealer aux longs cheveux graisseux, obsédé par sa coiffure et sa caisse (son instrument de travail), arborant fièrement une croix gammée tatouée sur son avant bras, toujours flanqué de Bobby, un gros cuisinier, Nancy, une jolie brune qui a déjà dégringolé dans le caniveau, ainsi que deux couples Mitch et Beverley (aka Dusty and Sweets McGee, beautés déchues du Laurel Canyon) et Larry et Pam, des adolescents qui viennent d’emprunter le même chemin que leurs aînés: celui de la défonce à l’héro.
Les personnages de ce premier film de Floyd Mutrux (scénariste de la Warner qui a participé à l'écriture de Two-Lane Blacktop, il réalisera par la suite Aloha Bobby and Rose ou American Hot Wax ) sont censé être des "real people" et non des acteurs comme l'annonce le panneau inaugural du film. C'est en parti vrai, c'est en parti faux. C’est une tentative un peu maladroite de nous dire : « attention, ce que vous allez voir est vrai ». Passons. Larry, Pam, Beverly, Mitch et les autres ne se connaissent pas, se croisent à peine (Billy le dealer planque les doses de ses clients dans des annuaires de cabines téléphoniques), ils sont paumés, sans avenir dans une ville anonyme et sans frontières qui ne leur propose que deux destinations : la morgue ou la taule. Avec un sens de la mise en scène assez ahurissant (fluidité de la caméra qui traque avec grâce les détails justes, montage à saute mouton qui fait étrangement résonner les séquences entre elles, utilisation idoine des tubes du moment - Del Shannon, Van Morrison…- qui passent à la radio ) Floyd Mutrux va suivre sans dramatisation, ni morale, leurs vies, en naviguant de l’un à l’autre (certains jacassent, d’autres pas), le temps d'un week end dans une ville qui n'a jamais été aussi belle et morbide (la photo, crépusculaire, est incroyable). On s’attache très vite ici à Pam et Larry, les plus fragiles, les plus précieux, ceux qui vont crever le plus vite. Dans une scène terrible, les deux teenagers végètent en autarcie sur leur lit (ils ne font pas grand-chose d’autre). Pam feuillette un comix, Larry le lui arrache des mains en lui disant à peu près ceci: « La vie ce n’est pas que se shooter de la dope… les gens font des choses… parle moi, dis moi quelque chose, n’importe quoi… » Pam lui rétorque « Qu’est ce que tu veux faire ? » en récupérant son Spiderman. Larry leur prépare un fixe. Ils ne sortiront pas d’ici vivant.