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Wednesday 17 October 2012

Koji Wakamatsu, mort d'un furieux

Koji Wakamatsu, le grand ecchymosé du cinéma japonais pink et/ou contestataire, mélange intenable entre Godard, le Marquis de Sade et un combattant palestinien est mort aujourd'hui. Non pas du crabe, qui le fatiguait beaucoup depuis deux ans, mais renversé par un taxi, en traversant la rue à Tokyo. Le fréquenter un peu, et avoir voulu organiser des débats publics avec lui et d'ancien membres de la Fraction Armée Rouge Japonaise m'a valu deux heures d'interrogatoires par la police japonaise, il y a un an. Après, on avait bu un saké pour fêter ça. Go Go Second Time Virgin reste celui de ses films que je préfère. En octobre 2007, il racontait un peu de son parcours pour Libération. Extraits: Comment devient-on le cinéaste le plus enragé du Japon ? Par conviction et colère. Petit, j'étais un enfant bizarre : je parlais avec les poissons. Plus tard, j'ai été yakusa, on m'a mis en prison et j'y ai été traité moins qu'un homme. Le cinéma est devenu mon moyen de vengeance. Yakusa, c'était un métier ? Renvoyé de la première année du lycée agricole, je suis allé à Tokyo, j'ai exercé d'innombrables métiers : pâtissier, garçon dans une salle de spectacle, livreurs de journaux, de lait, employé dans une laverie. Pour pouvoir manger, j'ai fini par intégrer un clan yakusa. J'allais acheter des cadeaux pour les salles de jeu à Shinjuku. Je n'étais pas politisé. C'est venu en sortant de taule, je voulais une seule chose : tuer des policiers avant de rentrer dans ma campagne natale. Mais je ne voulais pas risquer de retourner au trou, dans cet enfer. Alors je suis devenu cinéaste. Je suis le cinéaste qui a certainement tué le plus de flics à l'écran. Comment êtes-vous parvenu à faire des films ? A ma sortie de prison, j'ai été assistant pour la télévision. Un producteur de bandes pornographiques m'a demandé si je ne voulais pas réaliser un film pour lui. Il m'a eu au saké. Il voulait des filles nues, filmées de dos (on était encore en 1966). Pour le reste, je pouvais faire ce que je voulais, même un film politique. Votre style, violent, sexy, anarchiste, politisé à outrance, s'est affirmé rapidement ? Oui, car il émanait d'une urgence. Je n'ai pas le parcours intellectuel de Nagisa Oshima, je réagis instinctivement. Mais Oshima a défendu mon travail, jusqu'à écrire que j'étais le seul cinéaste japonais avec qui il voulait boire le saké. J'ai été directeur de production sur l'Empire des sens, mais je n'ai pas participé au scénario comme on l'a trop souvent écrit. Nagisa me consultait de temps en temps, ça s'arrêtait là. Le mariage du sexe et de la politique vous apparaissait-il comme une contradiction ? Ma première réaction était de détourner le film érotique en film politique. Puis j'ai compris, au fur et à mesure que la société se libérait, que les deux mouvements n'étaient en rien contradictoires, que la libération sexuelle s'imposait comme une arme politique. L'Embryon... est-il toujours votre film préféré ? Mes films sont mes enfants. Celui-là est capable de marcher tout seul. Peut-être parce que je l'ai produit moi-même. Vous aimez tourner vos films dans des lieux uniques : chambre, toit d'immeuble, désert... Financièrement, c'est pratique et j'aime le huis clos. C'est un catalyseur très violent. Comme je filme l'introspection sexuelle, je me sentirai gêné d'avoir à tourner devant trop de monde. Plus l'équipe est petite, plus la relation est intense. Pour l'Embryon, c'était interdiction de sortir pour tout le monde durant les cinq jours qu'a duré le tournage. Je leur faisais moi-même la cuisine. Comment dirigez-vous vos acteurs en si peu de temps ? Je me le demande encore. En les obligeant à se mettre dans des situations extrêmes. Je cherche un conditionnement. Après, je les laisse jouer librement. La plupart n'étaient pas des professionnels. Je les recrutais dans la rue, parmi le théâtre underground. Que s'est-il passé avec les Palestiniens en 1971 pour que certaines autorités vous aient soupçonné d'intentions terroristes ? Comme il n'y avait pas d'images des Palestiniens au Japon, je suis parti pour Beyrouth avec mon scénariste, Masao Adachi, avec la ferme intention de gagner un paquet de blé. Sur place, j'ai vécu avec les combattants, ils m'expliquaient leur lutte. Un jour, un chef nous a demandé de descendre de la montagne. Le surlendemain, tous avaient été massacrés. J'étais sous le choc. Dans ce campement, j'avais appris la solidarité, qui n'existe pas au Japon. Je suis rentré totalement convaincu par leur cause. Mon scénariste est resté à Beyrouth. Il a fait de la prison, a été extradé au Japon. Du temps où il vivait là-bas, j'allais en Palestine chaque année. Je lui apportais de la nourriture japonaise. Il est libre maintenant. Et il reste notre film : Déclaration de guerre mondiale : Armée rouge, Front de libération palestinien. Votre colère s'est assagie avec l'âge ? Vous plaisantez : je suis de plus en plus agressif. Je viens de finir un film sur l'histoire de l'Armée rouge unifiée, l'équivalent japonais de la Fraction armée rouge.